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« Je vais dans le sens contraire du vent »

Entretien paru le 18 septembre 2012 dans Sud Ouest

Richard Bohringer viendra de jeudi à samedi à Barbezieux en Charente. Trois rendez-vous attendent le public.

A partir de jeudi, Richard Bohringer sera pour la première fois à Barbezieux. Une étape pour celui qui a déjà fêté ses 70 ans et qui continue à faire des tournées à travers toute la France. Alors qu’il se trouvait dans un aéroport, dans une salle d’embarquement, il a accepté de répondre à quelques questions.

Tout d’abord, est-ce que vous connaissez la Charente ?
Oui, oui bien sûr, j’y suis venu plusieurs fois, mais je ne peux pas me rappeler à quand remonte la dernière fois.

Vous qui êtes souvent sur la route, vous devez bien connaître la France, et notamment la France rurale, comment la voyez-vous ?
Je pense qu’elle va très mal, elle est très solitaire, elle est complètement délaissée par le pouvoir central, par les institutions. Sa situation est très inquiétante. Mais il y a des choses qui se font, y a des gens qui se bougent, surtout dans le milieu associatif.

Vous avez eu 70 ans, où trouvez-vous la force pour continuer à faire ces tournées ?
Parce que j’aime simplement rencontrer les gens. C’est ce que je fais tout le temps et avec le plus grand bonheur. Il n’y a rien de fatiguant là-dedans. Ce qui est fatigant, c’est pour celui qui travaille et qui doit se lever tous les jours à 5 heures du matin. Moi je fais partie des privilégiés.

Vous dites également que parcourir la France, c’est un peu accompagner vos livres, c’est ce que vous venez faire à Barbezieux en proposant des dédicaces jeudi soir après la projection de votre film ?
Oui, c’est ça. C’est ce que je fais les trois quarts du temps. Je vais là où les autres gens comme moi ne vont pas.

Il faut bien de toute façon que quelqu’un nous porte dans la vie »

Vous allez également rencontrer les élèves du lycée Élie-Vinet pendant votre séjour à Barbezieux, c’est un moyen pour voir où en est la jeunesse ?
Oui, c’est vrai…

Comment cette rencontre va-t-elle se dérouler ?
Je ne sais pas. Il n’y a rien de préétabli, de prévu à l’avance. Je ne peux donc pas préjuger de ce qu’il va se passer avant que cela ait lieu. On verra bien, comment ça se fera.

Le début de votre avant-dernier livre « Traîne pas trop sous la pluie » se déroule à l’hôpital. Enfant, vous avez également été positivement marqué par ce milieu hospitalier. Est-ce ce souvenir qui vous a poussé à écrire ce livre ?
Non, on ne peut pas dire qu’il y a un lien de cause à effet. C’est difficile de savoir pourquoi on écrit un livre. C’est une alchimie interne. Ici, c’est simplement un livre sur un moment difficile de ma vie.

Vous parlez dans le livre de vos « frères, épuisés d’avoir visité l’univers, ils ont enfin trouvé le sommeil. Moi, je suis encore à la guerre, en bas, sur la terre. » La vie pour vous, c’est donc une guerre jusqu’au bout ?
J’ai décidé d’aller dans le sens contraire du vent. C’est un choix philosophique. Ils sont bien assez nombreux à se laisser porter dans le bon sens. Alors c’est vrai que, parfois, on se fait mal. Mais c’est pas grave, il suffit de se relever. Et ce sont justement ces frères dont je parle, mes amis qui ont disparu, qui m’aident, qui me portent. Il faut bien de toute façon que quelqu’un nous porte dans la vie.

Vous qualifiez votre pièce de « tradition orale ». Qu’est-ce que la tradition orale ?
La tradition orale, c’est aller raconter une histoire de villages en villages. Et cette histoire, elle évolue au jour le jour selon ce qui peut m’arriver entre-temps. Ma représentation de vendredi ne sera pas la même que celle de samedi. C’est comme la vie.

« Le mouvement ouvrier est totalement oublié »

Entretien paru le 24 septembre 2012 dans Sud Ouest

Sorti en février 2012, le documentaire « De mémoires d’ouvriers » sera projeté cette semaine pour la première fois en Charente. Demain à Barbezieux, mercredi à Cognac et jeudi à Chasseneuil. Chaque soir, sa diffusion sera suivie d’un débat en présence d’un des personnages du film, Henri Morandini. Le réalisateur Gilles Perret nous présente ce documentaire et revient sur des éléments d’histoires parfois étonnamment oubliés.

Votre film part de l’histoire ouvrière de la Savoie mais prend ensuite une dimension plus universelle Pouvez-vous nous expliquer comment s’opère ce passage ?
Dans mes documentaires, j’ai l’habitude de prendre un exemple local, ce qui arrive à mon voisin, puis d’essayer d’élargir la problématique au monde en général. Ici, le monde ouvrier et l’arrivée de l’électrométallurgie dans les Alpes après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans cette phase de reconstruction de la France avec la création notamment d’EDF notamment, l’objectif était de faire de cette région un réservoir énergétique car le pays avait des besoins énormes. Aujourd’hui, ce ne sont plus que les secteurs du service et du tourisme qui comptent et le monde ouvrier est complètement oublié, à l’image de ce qui se passe un peu partout en France.

Il a fallu attendre cette année pour que Ambroise Croizat soit dans le dictionnaire »

Le documentaire commence cependant dès le début du XXe siècle…
Oui, en 1904, avec la grande grève de Cluses (Haute-Savoie) où des patrons d’entreprises ont tiré sur des ouvriers qui manifestaient. Il y a eu trois morts et plusieurs blessés. C’est un événement important de l’histoire sociale qui est aujourd’hui complètement méconnu. Même à Cluses où je me suis aperçu que presque personne ne connaissait cette histoire. Un autre exemple est celui d’Ambroise Croizat, ministre communiste issu du monde ouvrier et qui a créé, entre autres, la Sécurité sociale juste après la Seconde Guerre mondiale. Il a fallu attendre jusqu’à 2012 pour que son nom soit enfin dans le dictionnaire.

Vous-même, vous êtes issu du monde ouvrier.
Oui, je suis fils d’ouvrier et il m’est donc important de transmettre cette histoire sociale pour que l’on sache d’où l’on vient. C’est un enjeu mémoriel. Le monde ouvrier, c’est six millions de personnes, soit 23 % des actifs en France. Or, il est totalement dénigré et sous-représenté parce que les acteurs de la classe politique et des médias sont de moins en moins issus de cette classe sociale.

Vous avez utilisé beaucoup d’images d’archives. D’où proviennent-elles ?
Elles sont tirées notamment de la cinémathèque des Pays de Savoie et de l’Ain et illustrent les années 1970, mais aussi la période d’avant-guerre. Il y a également des films d’entreprises des années 80 qui véhiculaient le besoin de modernité et la nécessité de libre  concurrence comme vecteur de progrès. Je me rappelle les avoir vu quand j’étais étudiant mais je ne me rendais pas compte alors du message de ces films.

Trois questions à Henri Morandini, ouvrier d’usine

Entretien paru le 25 septembre 2012 dans Sud Ouest 

Henri Morandini est l’un des personnages qui témoignent dans le documentaire « De mémoires d’ouvriers » de Gilles Perret. Il accompagne régulièrement le film lors de ses présentations dans les salles de cinéma pour dialoguer avec le public.

Tout d’abord, pouvez-vous nous présenter votre profession actuelle et l’usine dans laquelle vous travaillez ?
Je suis ouvrier électricien au service d’entretien de l’entreprise Alcan Arc, fabricant de produits abrasifs à partir de corindon, à La Bâthie depuis trente-huit ans. Cette usine existe depuis la fin du XIXe siècle et, à l’image de beaucoup d’entreprises, elle a changé à de nombreuses reprises de propriétaires. Nous 160 employés et l’entreprise appartient actuellement à High Capital, un groupe d’investissement américain.

Comment avez-vous rencontré le réalisateur Gilles Perret ?
C’est un concours de circonstance. Il avait tourné un documentaire « Du métal et des hommes » à l’occasion du 150e anniversaire du rattachement de la Savoie à la France dont l’un des volets était consacré à l’industrie dans la région. C’est par le biais de l’historien savoyard Michel Etiévent que nous avons fait connaissance et que Gilles m’a demandé de participer à ce film.

Quelle est votre vision actuelle du monde ouvrier ?
Le monde ouvrier existe toujours, mais il est très peu représenté. Quand on évoque la Savoie par exemple, on parle tourisme, raclette ou agriculture mais jamais de l’industrie. Or, si ce département est riche actuellement, c’est aussi grâce aux ouvriers.
Ce film leur donne la parole et son intérêt principal d’ailleurs, c’est qu’il est accompagné de débats un peu partout en France. Il suscite ainsi un nouveau dialogue. Pour le film, nous avons eu également des discussions très intéressantes avec de jeunes ouvriers.

« Un collectionneur dans l’âme »

Entretien paru le 18 juillet 2012 dans La Montagne

Fin connaisseur d’automobiles, le présentateur de l’émission Turbo sur M6 est aussi un collectionneur invétéré. Sa collection de guides Michelina été vendue aux enchères samedi 21 juillet à Royat. Il revient ici sur cette autre passion.

 

Sa collection est estimée à 28 000 euros et contient un exemplaire de toutes les éditions du Guide Michelin parues entre 1900 et 2000. Dominique Chapatte a choisi la XIe Convention des Collectionneurs Michelin pour la mettre aux enchères, samedi 21 juillet au casino de Royat. Il revient ici sur cette passion, ses origines mais aussi plus largement sur Michelin et le rôle qu’elle joue dans l’univers de l’automobile.

Pourquoi avoir fait cette collection ?
Avec Turbo et mon émission sur RTL, ça fait trente-cinq ans que je baigne dans l’automobile et les voyages. Je me suis donc naturellement intéressé à ce sésame que représente le Guide Michelin dans ces domaines.
J’ai commencé à rechercher dans les brocantes un peu partout en France et auprès de mes amis collectionneurs. Il m’a fallu quinze ans pour terminer cette collection. Je crois que nous sommes seulement six en France à posséder ce type de collection et cela reste très recherché dans le monde entier.

Depuis quand êtes-vous devenu un collectionneur ?
Je suis un collectionneur dans l’âme. A quatorze ans, je faisais déjà les Puces à Montreuil et depuis je n’ai jamais arrêté. J’aime tellement ça que je suis capable de chercher pour mes amis, que ce soit des boîtes de camembert ou des clés anglaises !

Mais quelles sont les raisons qui vous poussent à céder cette collection ?
Comme tout collectionneur, quand on a obtenu tout ce qu’on voulait, il n’y a plus beaucoup d’intérêt à garder une collection. Et puis j’avais envie de m’acheter une voiture de collection. C’est vrai qu’en la cédant, c’est une page de ma vie qui se tourne mais je vais peut-être ainsi  faire le bonheur de quelqu’un…

Serez-vous présent à Royat pour la vente aux enchères ?
Non, je ne pense pas. C’est possible mais il y a peu de chances.

Vous allez continuer une nouvelle collection ? 
J’en ai déjà commencé une nouvelle. Cette fois, je me suis lancé dans l’Art Car BMW, c’est-à-dire la collection de voitures de la marque allemande qui ont couru les 24 heures du Mans puis peintes par des artistes de renom comme, parmi les plus récents, Jeff Koons ou Robin Rhode. C’est un concept qui a été lancé par Hervé Poulain, ccommissaire-priseur et ancien pilote de course.

Que pensez-vous de la célèbre phrase d’André Michelin : « L’automobile est un accesoire du pneu » ?
Je ne peux pas partager cet avis et il faut, bien sûr, remettre cette phrase dans le contexte historique. Certes, c’est un accessoire indispensable comme nous pouvons le constater en ces périodes de vacances où il est important de vérifier l’état et la pression de ses pneus afin d’éviter des accidents. Mais de là à en faire l’objet numéro un… C’est un accessoire indispensable comme beaucoup d’autres en fait.
Sur les voitures qui vont à plus de 300 km/h, comme les Bugatti Veyron, il est vrai que le pneu devient alors un accesoire primordial. J’ai beaucoup de respect pour la recherche effectuée dans ce domaine, pour le savoir-faire et la technologie que l’on peut observer à travers notamment la Formule 1.