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Planer, pour mieux tutoyer les nuages

Article paru dans La Montagne (15 septembre 2012)

A l’aérodrome d’Issoire, il est possible pour un tout un chacun de découvrir les sensations uniques du vol en planeur. De quoi se prendre pour un oiseau, à condition d’avoir l’estomac bien accroché…

Alex vient de finir son vol. Un premier vol pour lui… malheureusement abrégé. Au bout de quinze minutes, des picotements seraient apparus au bout de ses doigts. « On a fait le minimum syndical », regrette dans un sourire Pascal Broc, le pilote du jour et président de l’association Auvergne Rétro Planeurs, à peine sorti du cockpit de son planeur sur l’aérodrome d’Issoire.

C’est lui qui m’a proposé il y a quelques semaines, après avoir vu l’exposition sur le vol à  voile à Saint-Saturnin, de faire un petit tour en planeur en sa compagnie. Un baptêm de l’air qui s’annonçait alors sous les meilleurs auspices et qui, d’un coup, s’assombrit quelque peu. Mon déjeuner semble alors avoir été un peu trop copieux…  « Non, non, il faut avoir mangé normalement pour ne pas être top malade », me rassure Pascal.

Place alors à la PPV. PPV pour préparation pré-vol et la vérification de l’appareil d’un  bout de l’aile à l’autre en passant par le cockpit et les appareils du tableau de bord : altimètre, variomètre, anémomètre, etc. L’avion remorqueur se présente désormais devant nous et une personne vient accrocher un câble à notre planeur. Le départ est proche, c’est le moment de fermer le cockpit.

« Radio ok ». L’avion peut s’élancer sur la piste herbeuse jusqu’à atteindre les 110 km/h. Dans le planeur, les secousses vont en s’accélérant avant que je me sente tout à coup porté par les airs. Nous nous engageons dans une grande courbe au-dessus de l’Allier avant de reprendre la direction d’Issoire. Les premiers légers thermiques, c’est-à-dire les trous d’air comme on a la mauvaise habitude de les appeler, se font sentir mais l’estomac s’accroche.

Devant, Pascal est imperturbable et communique régulièrement avec le pilote de l’avion remorqueur. Lui, la sensation d’être dans les airs ne l’a jamais troublé et il s’est senti à l’aise « dès le premier vol ». Vient alors le moment tant attendu – voire redouté – de décrocher le câble qui nous relie au remorqueur pour prendre enfin notre indépendance. Et c’est à moi que vient l’honneur de tirer sur la poignée jaune située devant moi sur le tableau de bord, geste qui permettra de libérer l’appareil. Nous nous sommes en effet approchés d’un courant ascendant, synonyme d’espoir de monter le plus haut possible. Nous sommes à  1000 mètres d’altitude, soit 600 mètres au-dessus des lotissements et des maisons en contrebas accompagnées de nombreuses piscines.

Une pointe de vitesse à 140 km/h

« Vas-y, c’est bon ! ». La poignée est tirée, le planeur libéré. Pas le temps de souffler et de profiter de cette nouvelle sensation que nous voilà immédiatement engagés dans une série de virages serrés afin de progresser régulièrement dans les airs. « Très belle pompe (*) », commente Pascal. Nous augmentons d’altitude d’un mètre cinquante environ par seconde, comme pris dans un tourbillon ascendant continu. Je pose mon carnet et mon appareil photo. Le mal de ventre commençait à pointer le bout de son nez.

Quelques minutes plus tard, nous avons presque atteint le nuage qui nous domine et nous volons maintenant à 1500 mètres d’altitude. « Le plafond est plutôt bas aujourd’hui et la masse d’air est sèche », regrette quelque peu Pascal. Le temps de repérer quelques cumulus à l’est et nous prenons le cap de la vierge d’Usson. L’air est un peu chaud dans le cockpit, nous avons chacun ouvert une petite fenêtre située sur le côté. Je fais remarquer à Pascal que ça fait quand même un peu de bruit un vol en planeur. « C’est peut-être aussi parce qu’on vole à 140 km/h », me répond Pascal. Ah oui, quand même…

Nous sommes maintenant lancés dans une discussion mathématique, ou plutôt Pascal s’est engagé dans un monologue pour m’expliquer ce qui est appelé, dans le jargon vélivole, la finesse. Nous sommes à un point A et nous devons aller à un point B, ici sous les cumulus pour espérer une nouvelle pompe ascendante. Sachant que nous perdons tant de mètres d’altitude à chaque mètre parcouru, à quelle altitude serons-nous quand nous atteindrons le point B ? Voilà grosso modo à quoi correspond la finesse.

Voler en planeur, c’est un peu jouer avec les masses d’air

Pour le coup, nous n’avons pas atteint le point B et Pascal a volé un temps selon les parties claires et sombres observées au sol et à la recherche de déplacements possibles de masse d’air. Voler en planeur, c’est un peu se rendre compte de la complexité de l’atmosphère, palper et jouer avec un ciel qui nous paraissait jusqu’alors comme un simple espace vide et invisible.

Finalement, nous avons pris le chemin du retour vers l’aérodrome, non sans avoir profité auparavant de la magnifique vue sur la vallée de Bansat. Le temps d’un dernier « Bravo Charly en début de vent arrière pour la 36 à Issoire, le train est fixe » et la descente est amorcée pur un atterrissage plus en douceur qu’aurait pu laisser penser l’étroitesse du fuselage. Le cockpit peut s’ouvrir. Les jambes sont un peu chancelantes au moment de retoucher le sol. Finalement, une  seule envie apparaît rapidement : celle d’effectuer un nouveau vol le plus rapidement possible. « Ok pour une deuxième mais moins crispée cette fois-ci ! ».

(*) Colone d’air montante dans le jargon vélivole

Pratique
Pour effectuer un vol en planeur, vous pouvez vous adresser à l’aéroclub Pierre Herbaud à Issoire (04.73.89.16.62/www.aeroclub-issoire.fr) : 90 euros pour une personne pour un vol de 20 à 40 minutes